Article paru dans 24 heures, 17 avril 2019
La valeur d'un bien est difficile à mesurer tant les paramètres qui déterminent le prix sont nombreux. Gérald Bosshard
Lex Weber, nouvelle LAT, LPPPL, ouverture du marché immobilier commercial aux investisseurs étrangers, et tant d’autres... Autant de sujets qui ont fait ces dernières années la une des journaux et suscité de nombreuses interrogations auprès du grand public.
Que vaut un terrain situé en zone réservée ? Quelle est la meilleure utilisation possible d’une grande maison rurale reçue en héritage ? Que faut-il entreprendre pour améliorer la rentabilité d’un immeuble ou d’un projet ? Une extension ou une surélévation est-elle une alternative envisageable et rentable ? Enfin, existe-t-il un projet de développement sur les terrains voisins susceptibles de péjorer la valeur du bien ?
Autant de questions que posent aujourd’hui propriétaires et acheteurs à leur expert mandaté pour une estimation. La multiplication des législations, la mise en place de nouvelles politiques d’urbanisme ainsi qu’un phénomène de redéveloppement de certains secteurs, notamment de friches industrielles, induisent une plus grande complexité des biens à évaluer. Ainsi, il est de plus en plus fréquent que l’expert, au-delà de son rôle "d’estimateur" d’une valeur vénale, endosse un rôle de conseiller immobilier auprès de son client. Aujourd’hui, les mandants recherchent chez un expert immobilier une certaine valeur ajoutée en lien avec son expérience et ses connaissances sur un marché spécifique.
Une bonne illustration de ce besoin est certainement ce que les professionnels ont coutume d’appeler les comparables de marché. Dans un contexte actuel incertain du marché immobilier, l’expert se doit non seulement d’expliquer sa méthodologie mais également de présenter les paramètres de prix et de coûts considérés dans l’estimation. De ce fait et en complément des habituels «bench-marks» et indicateurs généraux du marché immobilier, il est aujourd’hui attendu d’un expert la prise en compte de comparables précis de transaction, à savoir des prix de vente ou de location sur des biens définis. La connaissance du marché immobilier et plus particulièrement celui de la transaction est donc devenue l’un des facteurs clés d’une estimation pertinente et utile pour un mandant, qu’il soit acheteur, vendeur ou organisme de financement.
Face à la complexité croissante du domaine de l’estimation immobilière et aux connaissances plus pointues requises (tant sur le plan légal qu’au niveau transactionnel), l’expert doit être capable de comprendre précisément les besoins de son mandant et d’être objectif sur sa capacité à accomplir son mandat. Dans un secteur où la professionnalisation des processus d’expertise et les principes éthiques constituent les maîtres mots de toutes les associations immobilières, cette responsabilisation de l’expert face à son mandant est devenue indispensable.
Il est au final intéressant de constater que le domaine de l’évaluation immobilière suit un processus de spécialisation comparable à d’autres secteurs d’activité, notamment les avocats. La vision "généraliste" du métier d’expert, bien qu’encore majoritaire, a tendance à perdre en importance alors qu’un cloisonnement du domaine se met en place, où certains experts se concentrent exclusivement sur un secteur géographique (généralement au niveau cantonal ou régional) ou sur un type précis de bien immobilier (immobilier de bureaux, hôtellerie, bien de luxe, etc.). Face à un marché immobilier de plus en plus segmenté et complexe, il y va de la crédibilité de la profession d’expert immobilier auprès des clients et des institutions.
Bertrand Maag/ MRICS
Directeur évaluations consulting SPG Intercity Geneva SA
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