Article paru dans TOUT L'IMMOBILIER, 19 janvier 2015
L'analyse de trois experts:
Gary Bennaim, Fabrice Strobino et François Hiltbrand
La fin 2014 a montré une continuité du tassement des prix, de manière générale déjà amorcée en début d’année. Les dernières votations en Suisse, notamment sur les forfaits fiscaux, ont démontré une volonté de stabilité politique de la part du peuple. Et cela satisfait les investisseurs privés, un peu échaudés par la votation du 9 février. La Suisse, comme le reste du monde, doit sortir de ce sentiment d’incertitude pour afficher une volonté claire de redresser la barre.
Le Conseil d’Etat genevois semble en prendre la voie avec la question de la fonction publique dont le salaire médian est le plus élevé de Suisse et des TPG (Transports publics genevois) vivant au-dessus de leurs moyens. Cependant, l’Etat n’a pas encore réussi à tenir ses promesses en matière de délivrance d’autorisations de construire, même pour des logements dits sociaux. En effet, certains dossiers simples traînent sur les bureaux des services du DALE (Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie) depuis mai 2014. Finalement, la volonté d’une minorité de l’Asloca de freiner la construction de logements sociaux risque bien de ralentir encore le processus de construction de ces logements, déjà au ralenti.
Analyse par secteurs
Ainsi, par secteurs, nous pouvons observer les tendances suivantes:
• Les arcades subissent la consolidation économique de plein fouet. Il y a pléthore de surfaces mises à disposition dans les grandes rues de Genève et seules les enseignes phares sont prêtes à payer un prix hors marché pour un emplacement unique, à l’image de Tiffany. Les loyers de ces emplacements entrent dans le compte publicité des enseignes et s’inscrivent sur la durée. Les autres lieux subissent une décote très rapide, surtout qu’en Ville de Genève, les Plans d’utilisation du sol (PUS) imposent désormais l’affectation future du lot.
• Pour les bureaux, il en va de même. La restructuration entamée dans le secteur financier libère de nombreuses surfaces, à l’image de ce qui s’est passé dans les années nonante pour ceux qui les ont vécues. Cependant, si la croissance est retrouvée dans le sillage de celle des pays anglo-saxons, avec une économie restructurée, de nouveaux métiers verront le jour. Ils demanderont aussi des surfaces pour s’installer, mais, assurément, ne seront pas prêts à payer les mêmes prix surfaits que la finance.
• Les activités industrielles peinent à déménager et à trouver des lieux pour s’établir. En effet, plusieurs facteurs interviennent. Il y a d’abord l’incertitude claire relative au futur du secteur du PAV (Praille-Acacias-Vernets). En effet, les baux emphytéotiques (droit de superficie) dont bénéficient les entreprises ne les encouragent pas à trouver d’autres surfaces, généralement excentrées. En outre, l’Etat ne réussit pas à changer sa définition de l’industrie et de l’artisanat, qui date des années soixante avec à l’esprit les forges et autres industries lourdes. De ce fait, les entreprises ne savent pas si elles ont le doit de s’installer en zone industrielle et artisanale. Elles freinent naturellement leur déménagement hors du PAV ou leur volonté de s’implanter à Genève pour y apporter de nouvelles recettes fiscales.
• Le logement de rendement est directement corrélé aux taux d’intérêt, qui ne devraient probablement pas augmenter en 2015. La demande reste donc très forte et l’offre va rester anémique. En effet, les logements neufs en zone de développement risquent de voir baisser leur rendement en dessous de 4,50%. Ils ne seront plus intéressants comme vecteurs d’investissement, même pour les caisses de pension, très présentes dans ce secteur, devant atteindre ce taux de rendement pour garantir les rentes vieillesse. Si le marché des actions reprend souffle, il est clair que les investisseurs vont se détourner un peu de l’immobilier. Mais ce seront les liquidités dégagées par ce dernier qui y seront investies, au lieu d’être replacées dans la pierre.
• Finalement, le logement à usage propre a continué sa consolidation amorcée en 2013, tout au long de 2014. Il connait plusieurs secteurs, se comportant de manière inégale. Le secteur du logement en zone de développement (contrôlé par l’Etat), jusqu’à 3 chambres à coucher, commence à avoir de la peine à trouver preneur. En effet, seuls ceux qui ne sont pas propriétaires sur Genève peuvent le devenir et revendre librement le bien acquis. Mais les banques calculent le taux d’effort avec un taux global dépassant parfois les 6%. Cela devient de plus en plus compliqué à Monsieur et Madame Tout-le-monde d’accéder à la propriété, les revenus n’étant pas en ligne avec les attentes des banques. Les biens affichant un prix de vente de plus de CHF 1 500 000.- s’adressent principalement aux cadres moyens des sociétés financières. Tant que celles-ci seront en phase de consolidation, le marché sera en phase attentiste. Cependant, les biens sans défaut et/ou neufs, très bien situés, continuent à trouver preneur. Au-delà, il y a certes un marché, mais qui se remet à peine de la dernière votation sur les forfaits fiscaux, car il s’adresse principalement aux étrangers fortunés. Les biens, cependant, doivent être sans reproche, et ceux qui ont un défaut ou reçu un home staging très à la mode (un coup de peinture et deux ou trois autocollants comme dans une émission de télévision connue) reçoivent une décote immédiate. En conclusion, sur le secteur de l’habitat propre en «entrée de gamme», les taux d’intérêt bas continuent à soutenir le marché, même si les banques ne facilitent pas le financement hypothécaire. Plus que jamais, le marché est favorable à la négociation et à la saine acquisition, surtout qu’il est toujours incertain que le IIe pilier puisse encore, même en partie, servir à l’acquisition immobilière.
Gary Bennaim, François Hiltbrand et Fabrice Strobino Analyses et Développements immobiliers, Carouge
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